L’action en concurrence déloyale, création des juges, a été élaborée à partir d’une jurisprudence abondante portant notamment sur les types d’agissements pouvant constituer la concurrence déloyale (parasitisme, désorganisation, dénigrement, imitation).
Cette élaboration de règles détaillées peut faire oublier le fondement juridique très large de l’action, à savoir l’article 1382, devenu l’article 1240 du Code Civil, qui oblige tout simplement celui qui cause un dommage à autrui par sa faute de le réparer.
Un arrêt de la Chambre commerciale de la Cour de cassation du 9 janvier 2019 vient nous rappeler l’essentiel de l’action en concurrence déloyale, qui consiste à sanctionner des comportements inacceptables dans le domaine du commerce, même dans les situations où la concurrence directe est atténuée.
Dans cette affaire, la société Keter Plastic, qui a pour activité la fabrication et la vente de meubles de jardin vendus par l’intermédiaire de la société Plicosa France, agent commercial, a assigné en contrefaçon la société Shaf, spécialisée dans la conception, la fabrication et la distribution de meubles de jardin.
L’action en contrefaçon a été rejetée par une décision de première instance, confirmée en appel.
Reprochant alors à la société Plicosa d’avoir organisé à son encontre une campagne de dénigrement en divulguant l’existence de cette action en justice, ce qui avait conduit plusieurs enseignes de distribution à renoncer à des commandes, la société Shaf l’a assignée en concurrence déloyale.
Il apparaît à la lecture des motifs invoqués à l’appui du pourvoi que les parties n’était pas en concurrence directe pour ce qui concerne au moins une partie de la clientèle.
Malgré cela, la Cour a dit que « même en l’absence d’une situation de concurrence directe et effective entre les personnes concernées, la divulgation, par l’une, d’une information de nature à jeter le discrédit sur un produit commercialisé par l’autre constitue un acte de dénigrement, à moins que l’information en cause ne se rapporte à un sujet d’intérêt général et repose sur une base factuelle suffisante, et sous réserve qu’elle soit exprimée avec une certaine mesure »
La décision de la Cour de cassation souligne également les dangers d’évoquer auprès de la clientèle l’existence d’actions de procédures qui n’ont pas donné lieu à une décision.
En effet, la Cour d’appel de Paris a estimé que le caractère non objectif, excessif ou dénigrant, voire mensonger, des informations communiquées visant la société Shaf ou celui menaçant des propos tenus à l’égard des distributeurs, seul susceptible de caractériser un procédé déloyal, n’avait pas été démontré.
La Cour de cassation a censuré cette décision en disant que « la divulgation à la clientèle, par la société Plicosa, d’une action en contrefaçon n’ayant pas donné lieu à une décision de justice, dépourvue de base factuelle suffisante en ce qu’elle ne reposait que sur le seul acte de poursuite engagé par le titulaire des droits, constituait un dénigrement fautif ».
La Cour de cassation a donc cassé et annulé l’arrêt de la Cour d’appel de Paris et renvoyé l’affaire devant la Cour d’appel de Paris, autrement composée.
Cour de cassation, chambre commerciale, 9 janvier 2019
N° de pourvoi: 17-18350
Source: droit-des-affaires.efe.fr